Favoriser le statut de salarié pour les musiciens: contexte et solutions

Le travail des musicien.ne.s est caractérisé par une grande précarité due à la faiblesse des rémunérations et au manque d’accès aux assurances sociales.

Les musicien.ne.s sont rarement salarié.e.s et généralement considéré.e.s par les structures qui les engagent comme des indépendant.e.s, un statut qui fournit une protection sociale extrêmement limitée et reste précaire, étant donné la faiblesse des revenus, la persistance d’une grande part de travail non-rémunéré et l’irrégularité des engagements dans le milieu.

La FGMC plaide pour faciliter l’accès au statut de salarié aux musiciens, afin de leur conférer une une meilleure protection sociale.

Si des solutions existent, il faut néanmoins avoir en tête certaines paramètres importants dans le contexte actuel:

Sur le plan juridique1

En Suisse, le droit privé le Code des Obligations (CO) distingue entre activité dépendante (art. 319 CO) et indépendante (art. 363 et 394 CO).

La distinction entre activité d’indépendant et de salarié est propre au droit des assurances sociales et est décisive pour déterminer l’ouverture d’un droit aux prestations sociales.

Le droit des assurances sociales retient la qualité de salarié lorsque lorsque le/la musicien.ne est dépendant.e de la structure quant à l’organisation de son travail et ne supporte pas de risque économique. Pour savoir quand tel est le cas, il faut s’en remettre aux circonstances concrètes (par exemple: intégration dans l’organisation du travail, obligation d’obéir aux instructions de la structure).

On retiendra le plus souvent une activité salariée au sens des assurances sociales lorsque le/la musicien.ne est engagé.e par la structure selon un contrat de travail (art. 319 CO). En effet, un tel contrat se caractérise par l’existence d’un rapport de subordination par rapport à la structure, sous l’angle personnel, organisationnel et temporel, ainsi que dans une certaine mesure économique. Mais comme la notion de dépendance est plus large en droit des assurances sociales qu’en droit privé, il est envisageable que, suivant les cas, un.e musicien.n.e engagé.e par un autre contrat qu’un contrat de travail, par exemple un contrat d’entreprise (art. 363 CO) exerce une activité salarié.e au sens du droit des assurances sociales, même si, en droit privé, il/elle ne se trouve pas dans un rapport hiérarchique vis-à- vis de la structure.

Sur le plan administratif

Peu d’organisateurs salarient les musiciens. Engagés la plupart du temps pour une soirée, une journée ou une prestation, la charge administrative que représente le fait de les affilier et déclarer aux assurances sociales leur semble excessive au vu de la durée de leur engagement. D’autre part l’obligation pour le secteur culturel de payer l’AVS dès le premier franc sur les salaires minimes, introduite en 20102, n’a pas été étendue aux organisateurs de concerts, avec pour conséquence le maintien, dans ce secteur, d’une carence en matière de couverture sociale.

Les structures de production prenant en charge sur le plan administratif un projet musical sont encore peu nombreuses et coûteuses en ressources humaines et moyens financiers. Seule une activité intense et bien rémunérée permet de dégager suffisamment de moyens pour intéresser une structure de production.

Sur le plan financier

Les musicien.ne.s sont en général payé.e.s au seul moment de leur apparition en public ou pour une prestation donnée. Tout le travail de recherche, création, répétition, administratif n’est pas pris en compte dans les rémunérations qui leur sont versées, d’où la persistance dans le secteur d’une grande part de travail non-rémunéré.

Le coût des cotisations sociales ne se reflète pas non plus dans les rémunérations, les organisateurs ne se considérant pas comme des employeurs tenus de verser des salaires à ces derniers, ou n’ayant pas les moyens humains ou financiers de le faire (manque de moyens des organisateurs associatifs dans le milieu des musiques actuelles).

Les solutions

Il est pour nous essentiel de donner accès au statut de salarié.e aux musicien.ne.s et pour ce faire 3 pistes doivent être encouragées:

– les organisateurs salarient directement les musiciens (administrations publiques ou organisateurs à même de gérer administrativement des salaires);

– le groupe de musiciens est dépendant d’une structure de production employeuse qui négocie les contrats avec les organisateurs et salarie ensuite les musiciens;

– les musiciens bénéficient d’une structure qui, à travers une prestation de « location de services » (payrolling)3 agit comme organe d’encaissement et employeur d’artiste lorsqu’ils ne sont pas directement engagés en tant que salariés.

Une structure de salariat aurait pour mission non seulement de mettre sur pied des solutions de location de service (payrolling) mais aussi de venir en aide aux structures de production employeuses (à travers une aide à la structuration et une mutualisation de certains services (administratif, fiduciaire par exemple)

Enfin les questions de couverture sociale et de statut des artistes sont indissociables de la question des rémunérations qui doivent absolument augmenter afin de tenir compte de la globalité du travail des musiciens (et pas seulement du moment de leur apparition sur scène ou de leur prestation) et du montant des cotisations sociales (à la fois du côté de l’employeur et de l’employé).

En conclusion, favoriser un statut de salarié.e sera bénéfique à tout le secteur. Il permettra de responsabiliser davantage les organisateurs en tant qu’employeurs, de faire émerger le coût réel du travail des musiciens et des cotisations sociales, et d’améliorer de manière globale les rémunérations et la couverture sociale de ces derniers.

 

  1. Voir à ce sujet l’avis de droit commandité par la FGMC:  Etude sur le statut et la rémunération des artistes et acteurs culturels: analyse juridique et pistes de solutions, par le professeur Yaniv BENHAMOU
  2. Art. 34d al. 2 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS)
  3. Au sens de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de service (LSE)